Pendant des années, nous nous sommes inquiétés de voir le consommateur photographique seulement intéressé par la croissance du nombre de Méga-Pixels (MP) dans le capteur de l’appareil photo (ou -plus souvent encore- sur la fiche technique de l’appareil photo). On a longuement répété (sans vraiment être écouté) que cette quantité seule n’était guère représentative de la performance de l’appareil photo. Ça l’était à l’époque où les appareils avaient si peu de pixels (en dessous de 3-5 MP) que ce seul critère était bien prépondérant et l’emportait raisonnablement sur les autres.
Depuis 2009, on peut dire que la course aux pixels est arrêtée. Tous les fabricants d’appareils photo ont plus ou moins décidé de se calmer sur la résolution : au delà de 12-15 MP, vous pouvez imprimer un tirage A4 (ou 20×30 cm) en belle qualité. La plupart des photographes n’iront jamais au delà. Alors pourquoi chercher à franchir les 20 MP ?
Presque tous les fabricants suivent maintenant Olympus et Nikon en s’efforçant d’agrandir leurs pixels pour y collecter davantage de photons et cela mène à un accroissement de la sensibilité telle qu’elle est mesurée par le standard ISO. C’est très bien parce que cela veut dire que nos photos seront meilleures, et non pas inutilement plus fines. De plus, la sensibilité ISO est une bonne approximation pour la qualité d’image.
Quoi qu’il en soit, la pente reste glissante. On l’a déjà vu dans certains appareils photo compacts : un fabricant peut être tenté de pousser une valeur maximum atteignable en ISO à une altitude ridiculement stratosphérique. Il ne s’agit pas seulement de savoir si votre compact peut faire du 1600 ISO, encore faut-il que les images produites soient utilisables (les algorithmes de réduction du bruit, poussés dans leurs derniers retranchements, passent les détails à la pierre ponce et ne laissent plus autre chose que de vilains à-plats).
Généralement, sur le marché du reflex numérique, on ne voit guère ces artifices,, mais le risque reste là. Avec Canon et Nikon en tête de la course avec des appareils photo (pros) au delà de 100.000 ISO, nous voyons déjà des chiffres étonnamment élevés et des images passablement limitées (pour un pro).
Ne vous y trompez pas ! Je me réjouis par avance que la technologie se prépare à nous permettre de faire des photos dans une obscurité presque complète et sans flash. Mais si ces deux fabricants très sérieux se sont déjà lancés dans la course pour atteindre la limite psychologique des ISO à 6 chiffres, d’autres, peut-être moins techniquement aptes, y parviendront par le simple artifice d’une image vraiment inacceptable. Et alors, la course inepte change de piste mais reste la même : des chiffres sans vraie signification vont se précipiter dans des fiches techniques qui ne remplaceront jamais un vrai test.
A mes yeux, le Canon EOS 1D Mk IV et le Nikon D3s sont passionnants parce qu’ils permettent de faire des photos superbes à 32.800 ISO, pas seulement parce qu’ils produisent une image à peine informative à 102.400 ISO. Restons très attentifs à ce que nous disons des produits présents de Canon et Nikon et à ce que nous attendons des appareils futurs de toutes les marques d’appareils photo.
Nous restons des photographes et ne tombons pas dans l’admiration béate du consommateur hypnotisé par les chiffres. Souhaitons-le…