Pourquoi Sony utilise un miroir semi-transparent sur A33/A55

Les derniers appareils photo reflex de Sony, les Sony Alpha 33 et Sony Alpha 55 présentent une caractéristique très frappante : un miroir semi-transparent qui remplace le traditionnel miroir des reflex que nous connaissions jusqu’ici. Cela fait bien joli dans les annonces de presse, mais qu’est-ce que cela veut dire et qu’est-ce que cela apporte vraiment ?

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Vue en coupe d’un appareil reflex :
1 – Objectif frontal (formule Tessar à 4-éléments)
2 – Miroir reflex à 45-degrés
3 – Obturateur dans le plan focal
4 – Film ou capteur
5 – Verre de visée
6 – Objectif convergent
7 – Penta-prisme optique (ou penta-miroir)
8 – Oculaire.

Origine : Wikipedia

Le reflex traditionnel

Commençons pas regarder comment est fait un appareil reflex le plus commun, tel que nous le connaissons généralement. Sur la coupe ci-contre, nous voyons le trajet lumineux (en jaune) quand le miroir est abaissé pour diriger la lumière (et donc l’image) vers l’oculaire de visée. Au moment du déclenchement, le miroir se relève pour laisser passer la lumière en direction du capteur.

Très efficace, cette configuration présente quelques inconvénients qui ont longtemps été mineurs, mais bien réels.

Le premier, pendant la prise de vue, la visée s’obscurcit. Cela ne dure pas très longtemps, mais cela est gênant pour l’utilisateur.

La mécanique imposée pour le relèvement du miroir est complexe, fragile, mais doit fonctionner très rapidement pour ne pas limiter la cadence de déclenchement. Sur les appareils photo professionnels, ces mécanismes deviennent complexes et coûteux pour atteindre des rafales à cadence élevée. La technologie a bien progressé mais ce n’est que lors des dernières années que les constructeurs ont pu généraliser le passage au delà de 3 images par seconde. Certains appareils reflex pro (Nikon D3, par exemple) atteignent 8 i/s (mais au prix de quel investissement !).

Pellix – transparent ou presque

Dans les années 1960, plusieurs appareils ont commencé à utiliser un miroir semi-transparent pour ne pas avoir à l’animer. Le principe est de garantir que la plus grande partie de la lumière reste bien dirigée vers le film ou le capteur (trajet droit), mais qu’une petite partie soit renvoyée vers l’oculaire (trajet réfléchi). Sans surprise, il y a des avantages et des inconvénients.

Premier gain : la visée est continue. Le photographe garde l’œil à l’appareil et enchaine les photos de manière continue (apprécié en photo sportive, par exemple, pour suivre l’action même imprévisible).

Deuxième gain : la mécanique disparue permet de simplifier la structure de l’appareil (et son coût). Légèreté et silence s’ensuivent.

Mais le partage de la lumière n’est pas facile et la technologie du verre miroir semi-transparent n’est pas facile à maîtriser pour conserver une transparence sans apporter une légère coloration (provenant de l’inégale transmission de toutes les longueurs d’onde), et sans trop de perte (pour que le viseur soit très clair et lisible, il faut renvoyer un maximum de lumière, mais cela se fait au détriment de l’image sur le film).

Gains observables mais faibles, face à des inconvénients techniques : le marché n’est pas convaincu et, mis à par d’épisodiques apparitions comme sur le Canon Pellix QL, on n’en entendra plus parler.

Autofocus et vidéo

Viennent les années 2000 et la vidéo se présente sur les appareils photo compacts. Toujours à la recherche d’innovations sur les appareils photo, les constructeurs sont satisfaits de passer de la photo à la vidéo. C’est facile sur un appareil compact : soit il contient un viseur télémétrique séparé (aucune contrainte), soit le capteur photo est déjà utilisé pour afficher l’image en continu en mode LiveView (seul inconvénient, cela consommé beaucoup d’énergie et cela échauffe le capteur).

Si vous voulez faire la mise au point, les compacts numériques ont une solution simple : analyser l’image sur le capteur pour voir si elle est floue ou pas (on parle de détection de contraste). Cela a l’air simple, mais cela demande à faire pas mal de calculs (c’est lent) et il faut essayer le réglage de mise au point un peu au hasard pour savoir quel est le meilleur réglage.

Sur un appareil bon marché (en tous cas, meilleur marché que le reflex numérique standard), ces inconvénients sont faciles à oublier et, surtout, la même approche fonctionne pour la photo et la vidéo. Donc, les compacts photo ont relativement facilement accès à la vidéo.

Reflex dotés de la vidéo

En 2008, Nikon décide d’ajouter la vidéo sur un reflex (le Nikon D90). C’est merveilleux ! Mais l’architecture reflex est complètement différente et ça pose de gros problèmes.

D’abord, quand le miroir est relevé, il est impossible d’utiliser le capteur spécialisé dans l’autofocus qui est présent sur l’appareil mais se situe devant le miroir, pas derrière (ce capteur utilise une méthode dite de détection de phase). La solution semblerait d’abord facile : reprendre la solution des compacts, la mise au point par détection de contraste. Mais alors se posent trois problèmes :

  • Les capteurs des reflex, très gros, ne sont guère adaptés à faire des traitements en continu.
  • Les capteurs des reflex, très grands, favorisent une faible profondeur de champ et sont donc infiniment moins tolérants que les petits capteurs des compacts (en fait, la mise au point sur les compacts reste très approximative, mais c’est compensé efficacement par une énorme profondeur de champ : “tout est toujours net”).
  • L’utilisateur habitué à la mise au point ultra-rapide de la détection de phase, voit une différence énorme en réactivité.
Sony solution

Sony solution

Les premiers appareils photo reflex choisissent donc de contourner le problème avec l’abandon pur et simple de la mise au point automatique (autofocus) et de pas mal d’autres contrôles ou automatismes. Pas brillant, mais pragmatique. Et voilà de beaux appareils comme le Canon EOS 5D MkII dotés d’une fonction vidéo très limitée.

Sony Alpha SLT-A55

Une exception dans ce tableau : Sony. Comme leader reconnu dans la vidéo professionnelle, Sony ne peut pas se permettre d’offrir un bricolage approximatif, et ils le disent haut et fort ; ils ne feront pas d’appareil photo-vidéo sans lui donner une vraie fonction vidéo sérieuse.

2010 est l’année où Sony s’est attaqué au problème en reprenant l’idée du miroir semi-transparent : sans miroir, tous les problèmes disparaissent ! On peut faire la mise au point tout en filmant, on peut garder à peu près tous les automatismes. Les Sony Alpha 33 et Alpha 55 sont des appareils d’entrée de gamme et pourtant la vidéo n’est pas au second plan. La mise au point est absolument continue pendant la vidéo (voir les démonstrations vidéo) ou pendant les rafales continues.

Mieux, même sur des appareils à quelques centaines d’euros, il devient possible de faire des rafales à des cadences incroyables en dehors du royaume des experts et des pros : 6 images/seconde ! ou même 10 images/seconde en acceptant certaines contraintes d’emploi pour aller plus vite que des appareils à 10 fois le prix.

Tout cela avec un viseur qui reste opérationnel. Le viseur clair, c’est le confort total.

Et s’il n’y a plus de mouvements de miroir, il n’y a plus de bruit mécanique associé. Comme la mécanique du miroir générait des claquements très perceptibles au déclenchement, les appareils à miroir fixe deviennent très discrets.

Est-ce le dernier mot ?

On peut se le demander. Il est clair que la barre est maintenant placée haut pour la compétition. Canon, Nikon et les autres doivent se comparer à un appareil photo reflex à 600€. L’innovation a maintenant droit de cité dans tous les laboratoires de recherche et développement japonais (ou pas).

2011 sera une année intéressante pour tous les concurrents de Sony. Vont-ils reprendre la même recette ou apporteront-ils autre chose encore plus génialement adapté à la photo+vidéo sur un appareil photo reflex ?

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